29 Janvier 2022
Il y a 23 ans, j’avais 23 ans…
Nous venions de fêter le passage dans la toute dernière des années 1900, et je réalisais que je ferais partie de ces gens qui vivent à cheval entre deux siècles mais aussi entre deux millénaires. Cela m’octroyait une grande maturité même si, dans la réalité de mon quotidien, je ne pouvais espérer rentrer en boîte sans présenter, encore et toujours, ma carte d’identité justifiant de ma réelle majorité.
Je disais à qui voulait bien l’entendre que j’étais la réincarnation d’Agatha Christie. Comment expliquer sinon, mon sens inné des détails, ma curiosité maladive, mon instinct de détective dans l’âme, mon goût pour les voyages, et ma passion pour les vieilles pierres et l’archéologie en général ?
Je jonglais entre mes études à Bordeaux 3, mon boulot d’hôtesse d’accueil, les nuits endiablées sur les quais du port de la lune, les inventaires payés au lance-pierres en guise d’after, et les allers-retours à Madrid.
Il y a 23 ans, j’avais 23 ans. Ma vie avait un semblant d’équilibre qui serait chamboulé dès l’année suivante. (Mais ça c’est une autre histoire).
Aujourd’hui, me voilà de retour dans cet environnement si changé et si familier à la fois.
Je n’ai pas mis les pieds dans les salles d'embarquement de l'aéroport de Mérignac depuis 18 mois, pour des raisons évidentes.
Je suis retournée à l’hôtel de ville, mais pour y refaire mes papiers et non pas pour y narguer la file de CRS comme dans nos manifs étudiantes.
Je ressens toujours une grande fierté lorsque je traverse l'Université Michel de Montaigne.
Je revois mes amis, toujours de jour, jamais la nuit.
Je ne traîne plus à la Victoire mais je flâne dans St Pierre.
J’ai un pincement au cœur à chaque fois que je remonte la rue des Trois Conils.
Je passe plus de temps chez Mollat qu’au Plana.
Je vais chez Décathlon aux horaires d’ouverture grand public et j’attends avec impatience de pouvoir m’asseoir comme spectatrice au Pin Galant.
N’y voyez aucune nostalgie. Je me sens juste reconnaissante d’avoir retrouvé un semblant d’équilibre dans une ville qui a voulu et qui veut encore de moi. Je suis heureuse de pouvoir profiter de ce moment sans avoir peur d’un nouveau chamboulement.
Aujourd’hui j’ai 46 ans, et ma carte d’identité a retrouvé sa véritable utilité, à savoir décliner mon identité sans raconter qui je suis vraiment.
Au fait, je vous ai déjà dit qu’Agatha Christie est décédée seulement quelques jours avant ma naissance ? Pas de coïncidence vous dis-je ! 😉